mardi 12 juin 2012

Les anguilles et la mer des Sargasses : mythe ou réalité

Qui ne connaît pas ce poisson qu’est l’anguille, soit pour l’avoir dégusté « à la bordelaise », soit pour l’avoir croisé « sous roche » …

Cette espèce (anguilla anguilla) est un grand migrateur dont on connaît aujourd’hui assez bien le cycle en eau douce mais dont le voyage en eau salé reste en partie assez mystérieux.

1/ La théorie de Schmidt (1920)

Pour faire court, voici un petit schéma pour illustrer le cycle de vie de l’Anguille (issu du site RMC Eau-France), telle qu’il est admis aujourd’hui.

cycle anguille

La ponte a lieu en Mer des Sargasses, puis suite à l’éclosion des œufs, les larves se laissent porter par les courants marins (Gulf Stream) vers les côtes européennes. A l’approche des cotes, ces larves vont subir une première métamorphose (modifications morphologiques, anatomiques et physiologiques) pour devenir des civelles (ou pibales au sud de la Loire), transparentes.

ang transparentes

Elles deviennent ensuite des anguillettes remontant les cours d’eau plus ou moins loin à l’intérieur des terres. Les anguillettes deviennent des anguilles jaunes qui continuent leur croissance et leur progression vers l’amont.  Ce stade dure plusieurs années. 

La phase de croissance s’achève par une deuxième métamorphose transformant les anguilles jaunes en anguilles argentées, prêtes à regagner les grandes profondeurs océaniques. A l’automne, lors des premières crues, les anguilles argentées regagnent la mer, portées par le courant. La migration, longue de 5000 km (d’une durée de 4 mois) reste mal connue et entretient le mystère de l’anguille.

2/ La théorie du Dr Bellet (2011)

Roland Bellet, Docteur vétérinaire spécialisé en ichtyologie, s’est en partie consacré à l’étude de la reproduction de l’anguille, suite à des observations qu’il a fait dans ses piscicultures et claires de marennes.

Il considère qu’en réalité, une fraye des anguilles européennes a lieu dans dans les estuaires marins de nos rivières et fleuves côtiers, en milieu salé.

Ses preuves :
• La présence dans l’abdomen de quelques œufs non expulsés après la ponte, d’anguilles femelles pêchées sur les vasières côtières.
• La découverte d’un leptocéphale nouveau-né dans sa claire à anguilles près de Marennes.
• La découverte, par deux fois, d’une frayère importante à l’Ile d’Oléron en avril 2011.

anguille

Il considère alors que les leptocéphales recueillis dans la mer des Sargasses par Schmidt vers 1920 et plus tard, étaient en majorité des larves  d’anguilles tropicales,  dites de Cuba – plus petites. Il pense alors qu’il est impossible aux anguilles reproductrices d’Europe de traverser l’océan Atlantique – pour des raisons de distance, de température, de pression et de la physiologie même de ces poissons.
 
Pour lui, un tel voyage n’aurait biologiquement aucun sens.

Il dénonce notamment des erreurs de pensées scientifiques a propos de la biologie de l’anguille :
•  l’anguille européenne n’est pas un poisson pélagique, c’est-à-dire un poisson de haute mer. Elle ne l’est ni sous sa forme larvaire ni sous sa forme adulte. C’est au contraire un poisson benthique, un poisson de fond et plus particulièrement un poisson qui vit dans la vase.
•   la seule migration qu’il effectue est une migration de la zone côtière, vers l’amont des fleuves et rivières d’eau douce du continent puis la dévalaison lors de son retour à la côte. Ce séjour de plusieurs années en eau douce tempérée, lui permet une forte croissance physique, accroît sa longévité et retarde sa maturité sexuelle.
•   l’anguille adulte argentée revenue en mer séjourne à l’embouchure de son estuaire de rivière ou de fleuve et ne va pas en haute mer.

Elle y vit essentiellement dans la zone du bouchon vaseux qui s’y trouve, zone éminemment riche en éléments nutritifs

Selon lui la reproduction se ferait de la manière suivante :
 
Les femelles quittent le fond du « couraud » principal qu’elles occupaient pour aller sur les vasières latérales en zone plus salée ou dans un chenal vaseux et salé. Elles y creusent leurs terriers et vont y recevoir les jeunes et vieux mâles lesquels sont aussi en développement sexuel. La ponte et la fécondation y auront lieu.
 
Les larves (leptocéphale) n’ont ensuite selon lui pas les caractéristiques biologiques permettant un voyage important. Ces larves resteraient su place pour se nourrir et grossir dans le bouchon vaseux.
Cette théorie se base notamment sur une observation (en 2005 puis en 2009) de larve (leptocéphale) dans ses claires de marennes alors que ce stade ne devrait être visible qu’en mer des sargasses.
De plus, en avril 2011, il observe ce qu’il pense être une fraye d’anguille à l’île d’Oléron : suite à des conditions météorologiques très particulières, un rassemblement nocturne inhabituel d’anguilles se fait dans des chenaux marins.

terriers
Terriers d’anguilles dans la vase d’une « claire » de Marennes desquels on a vu les habitantes sortir lors de la mise à sec complète alors que cet habitat n’est jamais signalé dans les livres spécifiques.
L’ouvrage entier du Dr Bellet étudie et décrit bien d’autres aspects de la vie de l’anguille.

Le résumé complet de l’étude du Dr Bellet (900 pages !) se trouve sur ce petit site internet http://reproduction-anguille.anguilla-bellet.com/index.htm

Les photos sont issues de ce site et sont la propriété du Dr Bellet.

J’ai pris contact avec le Dr Bellet mais malheureusement, il est décédé en automne 2011 à l’âge de 91 ans, en défendant jusqu’au bout cette théorie (comme vous le verrez en lisant son témoignage sur le site).

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