mercredi 29 août 2012

Les écrevisses du Québec

Le Québec  me fascine et, grâce au jumelage avec la ville de Bordeaux,  j’ai pu y travailler 2 mois au cours de l’été 2001. J’ai d’ailleurs passé quelques semaines au service environnement de la ville de Québec (analyses d’eau notamment).

Alors, toujours avec mes écrevisses en tête, je me suis demandée quelles étaient les espèces présentes au Québec ?

Quelques recherches m’ont permis de me constituer une petite base bibliographique et notamment un rapport du Ministère des Ressources Naturelles et de la Faune :
 LES ÉCREVISSES DU QUÉBEC
Biologie, identification et répartition géographique
Jean Dubé  et Jean-François Desroches

Dont vous pourrez trouver le texte intégral ici : http://www.mrn.gouv.qc.ca/publications/faune/ecrevisses-du-quebec.pdf

Voici une rapide synthèse de ce document mais surtout des éléments, parfois anecdotiques qui m’ont marquée.

Bien évidemment, les espèces d’écrevisses présentes sur le sol québécois ne sont pas les mêmes que celles présentes en France. Sur notre continent, l’écrevisse autochtone est principalement du genre Astacus  alors qu’en Amérique du Nord, il s’agit bien entendu d’Orconectes !
8 espèces au total sont présentes au Québec :

liste écrevisses québec

Le nouveau nom français est celui proposé par les auteurs dans ce document, face à l’absence de nom pour certaines espèces. Parmi ces 8 espèces, 4 sont indigènes au Québec. Toutefois, l’apparition des autres espèces  provient le plus souvent de remontées plus ou moins naturelles depuis les Etats-unis ou du Canada (parfois par le biais de canaux construits par l’homme).

Les espèces indigènes : l’écrevisse à pinces bleues,  l’écrevisse à rostre caréné et l’écrevisse de ruisseau.  L’écrevisse à épines,  est considérée comme indigène récente, bien que sa présence  relève vraisemblablement d’une extension d’aire suite à des transferts anthropiques . Les quatre autres espèces ne sont observées que depuis moins de 20 ans.

L’écrevisse à pinces bleues est l’espèce autochtone par excellence au Québec. Et, comme chez nous, l’écrevisse américaine, ici appelée écrevisse à épine (bien qu’elle soit mentionné comme américaine dans la loi pêche) entre en compétition avec l’écrevisse à pinces bleues et un effet négatif est observé depuis plusieurs dizaine d’années. De plus, un phénomène de croisement entre l’écrevisse à rostre caréné et l’écrevisse à épines est aussi connu, ce qui peut grandement en compliquer l’identification mais aussi compliquer la préservation de l’espèce autochtone.

L’écrevisse à tache rouge, bien qu’encore peu représentée, est envahissante et commence à remplacer l’écrevisse à rostre caréné et l’écrevisse à pinces bleues dans certains états américains . Elle était utilisée aux États-Unis comme appât pour la pêche sportive.
La principale menace identifiée pour les espèces les plus sensibles est l’acidification du milieu (pluies acides). La plupart de ces espèces sont en revanche assez peu sensibles aux métaux lourds bien qu’il y ait une réelle bioaccumulation. Les rejets d’aluminium semblent aussi être identifiés comme néfaste à l’ensemble des espèces.

Une petite anecdote marquante de cette publication concerne la différence dans la manière de mesurer les écrevisses (toutefois,  le système métrique est utilisé). En France, nous mesurons du bout du rostre au bout du Telson alors qu’ici, les écrevisses sont mesurées du bout du rostre à la limite de l’abdomen comme en témoigne cette photo :

mesure écrevisse
Ce petit rapport continent une clef d’identification et présente  assez précisément les zones d’observation pour chacune des espèces.

mardi 21 août 2012

Les poissons aussi prennent des coups de soleil

Une étude australienne / britannique  vient de mettre en évidence que les rayons UV pouvaient être à l’origine de mélanomes chez les poissons. 

Ainsi, les poissons qui évoluent autour de la Grande Barrière de corail, dans l’océan Pacifique, sont atteints d’un cancer. L’étude a été menée plus particulièrement sur la truite de Corial, Plectropomus leopardus (aucun lien génétique avec la truite de nos rivières). Les scientifiques, qui ont publié leurs travaux dans la revue PLoS One, ont ainsi observé que, sur un échantillonnage de 136 poissons, 15 % présentaient des lésions cutanées. Des taches noires couvrant de 5 % de la peau jusqu’à la quasi-totalité pour certaines de ces truites connues habituellement pour leur  couleur orangée.

Les poissons ainsi atteints, sont fragilisés et leur espérance de vie est réduite à 6 mois.

Selon Michael Swett de l’université de Newcastle : “Étudier les maladies des poissons sauvages prend beaucoup de temps et coûte cher. Il est donc difficile de dire depuis combien de temps ces poissons sont malades”- “D’autres travaux devront être réalisés pour établir les causes exactes de ces cancers, mais, après avoir éliminé d’autres facteurs possibles tels que les microbes ou la pollution marine, les rayons UV apparaissent comme la cause vraisemblable”

Les prélèvements des poissons ont été effectués dans deux zones de la Grande Barrière, là où l’on observe régulièrement des trous dans la couche d’ozone stratosphérique, barrière naturelle pour les rayons ultraviolets.

truite de corail avec mélanome
Credit photo: Michelle Heupel/Australian Institute of Marine Science

«Cette étude présente l’intérêt d’être très nouvelle», souligne Évelyne Sage, chercheuse à l’Institut Curie (CNRS). Jusqu’à présent, en effet, on avait pu observer des mélanomes liés aux rayons ultraviolets, mais uniquement sur des poissons hybrides de laboratoire. «Les scientifiques vont devoir contrôler s’il n’existe pas de susceptibilité génétique particulière pour ces truites de corail».

Lien vers  l’article scientifique publié traitant du sujet (en anglais) http://www.plosone.org/article/info%3Adoi%2F10.1371%2Fjournal.pone.0041989

samedi 18 août 2012

L'hydrobiologie tout un art


La découverte du jour !

Hubert Duprat est un artiste contemporain, né en 1957 et depuis le début des années 1980, son substrat de travail de prédilection c’est …. le fourreau de trichoptère !

Rappelons que les trichoptères (lors de leur vie larvaire aquatique) créent leur fourreau à l’aide des matériaux qui les entourent et que, dans la nature, ça donne ça : (source photo, site perla )

trichoptère fourreau

Hubert Duprat a imaginé un dispositif expérimental dans lequel il les contraint à travailler à l’aide de matériaux bien définis : des paillettes, des pépites d’or et des fils d’or, des perles, etc….
Voici un aperçu du résultat

duprat 1

duprat 2


duprat 3


Et comme d’habitude, une petite vidéo pour illustrer tout ça :

jeudi 16 août 2012

Estimation des populations d’écrevisses de Louisiane


Un article récent du BFPP (Bulletin Français de Pêche et de Pisciculture) renommé Knowledge and management of aquatic systems traite de l’«  Estimation de la taille de populations d’écrevisse de Louisiane (Procambarus clarkii) dans des étangs de pisciculture (Brenne, Central France) » par A. Coignet_, F. Pinet, C. Souty-Grosset, juin 2012.

C’est cet article qui me sert de base au post d’aujourd’hui (l’article est consultable ici : Article)

1/ L’écrevisse de Louisiane. 

L’écrevisse de Louisiane (Procambarus clarkii) est originaire du Mexique et du Sud est des États-Unis et, comme son nom l’indique, est très abondante en Louisiane. Elle est considérée comme l’espèce d’écrevisse écologiquement la plus « plastique », ce qui lui permet d’être la plus répandue dans le monde. En Europe, elle a été introduite délibérément  par l’homme à des fins commerciales dans les années 60.
Contrairement aux espèces d’écrevisses indigènes d’Europe (qui appartiennent à la famille des Astacidées), P. clarkii est capable de tolérer des conditions de vie difficiles (périodes sèches de plusieurs semaines, eaux stagnantes moins claires, plus forte salinité) que les espèces européennes. Elle est donc capable d’occuper une grande variété d’habitats.
Ses fortes capacités de résistance à des milieux difficiles, sa capacité importante de reproduction (parfois 2 pontes par an, une seule pour l’écrevisse autochtone) et le fait qu’elle soit porteuse saine du champignon Aphanomyces astaci fait d’elle une espèce invasive et très nuisible à notre espèce protégée qu’est l’écrevisse à pattes blanches.
La réglementation concernant cette espèce est donc aujourd’hui très restrictive : pas de transport vivant, pas de commercialisation. En outre, chaque spécimen pêché ne doit pas être remis à l’eau à moins qu’il ait été châtré.
Crédit photo Muséum d’histoire naturelle
écrevisse de Louisiane

2/ L’écrevisse de Louisiane dans les étangs de la Brenne - estimation de la taille de la population

L’espèce a été découverte récemment dans les étangs, en 2007, preuve qu’elle continue son expansion en France, malgré les diverses mesures restreignant son transport. En 2011, 10 foyers d’infestation étaient identifiés dans le parc.

L’article du BFPP, après avoir rappelé le niveau de présence de l’espèce à l’échelle européenne, présente la méthode de capture-marquage-recapture comme étant la plus efficace actuellement à l’application des crustacés (j’avais déjà mentionné cette méthode dans l’article concernant les écrevisses à pieds blancs). Elle est communément appelé CMR.
Toutefois la méthode testée ici présente quelques singularités. En effet, les écrevisses ont été marquées sur la tête, tel que nous l’indique la figure suivante.
marquage

Les captures sont réalisées à l’aide de nasses cylindriques, qui sont laissées dans les secteurs à étudier durant un maximum de 24h (plus longtemps, de la prédation pourrait biaiser les résultats). Le choix des nasses plutôt que de relevés visuels par l’homme est nécessaire pour couvrir une plus grande surface mais aussi en raison de la diversité des milieux, parfois profonds et parfois turbides.
La taille des populations est ensuite estimée en faisant une analyse différentielle entre les écrevisses marquées et non  marquées au cours des journées successives de captures, via un logiciel « MARK » (développé par  White et  Burnham en  1999: CA-Visual Objects 2.0 Standard Application).
Parmi les résultats marquants de l’étude, on note que pour que l’estimation de la taille de la population soit la plus réaliste possible, la pression de capture doit être importante (avec une probabilité de capture de plus de 30%).

La méthode n’a pas permis de prendre les juvéniles et les écrevisses de moins de 5 cm. Toutefois, le sex-ratio « total » est respecté mais il change en fonction de la saison et de l’emplacement des nasses. Ceci montre un clivage de la population puis un regroupement en période de reproduction.
Des femelles grainées ont été capturées avec une quantité d’œuf comprise entre 90 et 339 !
En revanche, un effet de la saisonnalité semble affecter les résultats quant à la taille de la population. Il semblerait alors préférable de conduire les investigations à la fin de l’hiver ou au cours de l’été. Mais ça, selon moi, il me semble qu’il ne s’agit pas d’une découverte. Une telle méthode basée sur l’activité des écrevisses nécessite forcément que les écrevisses soient actives. Or, l’espèce tend à hiverner…
Et pour illustrer globalement la problématique des écrevisses de Louisiane, voici un reportage du journal de  France 2,  en 2009