jeudi 31 mai 2012

lac au duc et Baux de Caulne (56)

Aujourd’hui, je suis allée sur le terrain pour travailler sur l’Yvel , une rivière de Ploërmel en Bretagne ainsi que le Lac au Duc.

Agréable surprise de découvrir l’Yvel, en amont de ce lac  : elle sinue dans une grande zone humide et au cœur d’un espace naturel sensible appelé “Baux de Caulne”. Ce sont 27 hectares, acquis par le département en 1986 et gérés afin de préserver cette zone naturelle.

La prairie humide s’étend sur 5 hectares et est composée de tout le cortège d’espèces habituelles pour ce type de milieu. Le substrat schisteux imperméable induit des étiages prononcés en été et des inondations importantes en hiver. Bien évidemment, on peut tout de suite imaginer l’intérêt de ce site pour la reproduction du brochet (souvenez -vous du parc Balzac !). Mais l’intérêt réside aussi dans son effet “tampon” : les plantes absorbent les nitrates présents dans l’eau ce qui en limite donc les apports jusqu’au lac et a ainsi pour effet de limiter le développement d’algues dans ce dernier. C’est ce qu’on appelle l’autoépuration et ce qui constitue un des rôles majeurs des marais, tourbières etc.

zh

Le site est traversé par le bien célèbre GR 37 qui permet de découvrir entre autre la mythique forêt de Brocéliande. Et pour passer au cœur de la zone humide sans se mouiller les pieds mais surtout sans abîmer la faune et la flore particulière et utile de ce lieu, tout un sentier en caillebotis, surélevé a été construit.

caillibotis

Notons que les  peupliers présents (plantés ) vont être supprimés petit à petit. Ces arbres pompent énormément d’eau et ont donc un effet d’assèchement du site. Son développement peut générer un amoindrissement de la diversité des espèces. En les enlevant, un retour de la prairie humide sera favorisé.

samedi 26 mai 2012

Belle rencontre avec une cigogne blanche

Un article sur la cigogne blanche (Ciconia ciconia), et je vous vois déjà  penser que votre hydrobioloblogueuse est  allée travailler en Alsace… Et pourtant non…  Mais alors pourquoi s’intéresser à la cigogne dans un blog consacré à l’hydrobiologie ? De toute évidence il s’agit d’une espèce qu’on connait sans la connaître…

Déjà, la cigogne était au bord de l’extinction en France dans les années 70. En 1974, seuls 11 couples nicheurs sont encore présents en France, dont 9 en Alsace. De nombreuses actions menées notamment par la LPO (Ligue de Protection des Oiseaux) ont permis un retour de l’espèce. Aujourd’hui on compte environ 1700 couples. C’est donc avec émotion que j’ai pu observer un couple nicheur lors de mon terrain en … Gironde ! L’Alsace est la première région d’accueil de l’espèce (341 couples) mais vient ensuite la Charente Maritime (320 couples). La Gironde, proche de ce département présente elle aussi des milieux favorables à l’espèce et peut se situer sur un axe de migration. J’ai pris la photo suivante à quelques kilomètres de la Gironde (le fleuve), à proximité du Verdon sur mer (24 mai 2012).

Cigognes nichant

En faisant une petite recherche bibliographique, j’ai alors découvert une anecdote quant à son régime alimentaire. En Charente Maritime, les cigognes se nourrissent essentiellement d’insectes aquatiques, de courtilières et depuis récemment d’écrevisses américaines (introduites) ! Nous revoilà donc à l’hydrobiologie !

Dans certaines parties de l’Espagne, des études ont même montré que le pigment (caroténoïde) qui donne cette couleur rouge au bec et aux pattes est aujourd’hui majoritairement synthétisé depuis l’astaxanthine de l’écrevisse de Louisiane (Procambarus clarkii).

Cigognes nichant 2

 Ce charmant petit couple quittera certainement ce site à la fin du mois d’août pour rejoindre l’Afrique.

jeudi 17 mai 2012

La Loutre

La loutre d’Europe (lutra lutra), voici encore une espèce bien sympathique qui lorsqu’elle est présente est un gage de bonne qualité du milieu de vie. Bien entendu , comme toute les espèces sensibles, elle s’est raréfiée en Europe et est à présent protégée.
Très  discrète, il est quasi impossible de la voir de jour mais en jouant les détectives, on peut trouver les indices de sa présence. Ainsi, sur le Taurion dans la creuse :
empreinte de loutre
Empreinte de loutre
 Epreinte de loutre
Épreinte de loutre (excrément)

 La belgique et le Luxembourg ont mis en place un projet LIFE (programme avec financement européen en faveur de la protection d’une espèce, avec actions concrètes de restauration des habitats, amélioration de la connaissance, etc).

Dans la vidéo suivante, vous trouverez une action  de restauration de la qualité de l’habitat de la loutre menée sur 5 ans : déboisement d’une zone de culture intensive d’épineux, limitation du piétinement du cours d’eau par les bovins, recréation de frayère etc.



mardi 15 mai 2012

Midway : les albatros de Chris Jordan au milieu du paradis en plastique

Une fois n’est pas coutume, je ne vais pas parler d’hydrobiologie ce soir, mais d’hydroécologie au sens plus large.

Aujourd’hui j’ai fait la découverte du travail de Chris Jordan (merci à mon amie Aurélie, consultante en environnement). Chris Jordan est un photographe américain engagé, à l’origine d’un projet de communication sur l’environnement. Il montre, dans un documentaire vidéo et photographique, une facette insoupçonnée du devenir des déchets plastiques non recyclés (même si ils sont recyclables). Ainsi il nous emmène sur l’atoll des Midways, îles de l’océan pacifique nord, dépourvues de population humaine mais hébergeant une énorme colonie d’albatros. Cette atoll se situe donc à quelques battements d’ailes du paradisiaque archipel d’Hawaï.
 
De près, tout semble idyllique pour ces oiseaux. Pourtant, ils vivent au milieu d’une immense nappe de plastique que certains nomment “la soupe plastique” ou encore le “huitième continent”… Située sous la surface de l’eau, il semble qu’elle ne soit réellement visible que si on s’approche en bateau et soit d’une superficie proche de celle de la France ! Au delà de la dérive des déchets provenant des terres (pic-nique sur les plages, décharges et bien entendu l’augmentation des emballages faits de cette matière), il semble que les bateaux qui coulent avec leur cargaison en soit aussi la cause…

Et c’est ainsi que nos paisibles albatros, loin de toute population humaine, ingurgitent directement des bouts de plastique  ou indirectement (en mangeant des poissons en ayant eux-même gobé). Dans ce second cas, il s’agit clairement d’une illustration simple du principe de bioaccumulation le long de la chaîne alimentaire : un petit poisson aura mangé des particules de plastique, sera consommé par un gros poisson qui lui même gobera aussi directement des grosses particules de plastiques. Viennent ensuite les albatros qui mangent de nombreux poissons ayant chacun mangé au moins un détritus… Et voilà ce que l’on obtient, une fois l’albatros mort (parfois certainement pour cette raison) et en décomposition avancée…


Albatros Chris Jordan 2

Rappelons que la durée de vie du plastique peut être de plusieurs centaines d’année. Ainsi, les îles Midway elles-mêmes,  deviennent au fur et à mesure de la mort des oiseaux une grande décharge de plastiques alors qu’aucun être humain n’y vit…

Le petit film documentaire de Chris Jordan,”Midway” est visible ici
Et le site officiel de l’artiste, avec l’ensemble des photos se trouve ici 

lundi 14 mai 2012

Apron le poisson roi

Parmi les 12 000 espèces de poissons d’eau douce connues au monde, la France n’en décompte qu’une soixantaine. Et pourtant, parmi celles-ci, une espèce reste bien méconnue et bien rare de nos jours.

Ce poisson, c’est l’apron du Rhône (Zingel asper). Après l’avoir un petit peu étudié lors de mon passage en Franche-Comté (dans la Loue), j’ai eu la chance de le croiser à nouveau sur mon chemin lors d’inventaires de la Durance près de Manosque (04) .

Apron Durance 1
 
“Du Rhône” car il ne vit que dans ce bassin, il y est endémique. Autrefois présent même dans ce fleuve, il est aujourd’hui en danger critique d’extinction et n’est plus présent que dans 6 rivières en France. Dans le Jura, il avait été surnommé le poisson roi du Doubs…

C’est un petit poisson d’une vingtaine de centimètres, qui vit au fond de la rivière, sur les galets, dans des rivières d’excellente qualité (on peut là encore parler de bio-indicateur). De très nombreux facteurs sont cause de disparition de l’espèce :  pollutions en tout genre, curage des graviers dans le lit, mise en place des barrages qui fragmentent son habitat, réchauffement de l’eau, diminution des débits pour ne citer que les plus “évidentes”.

Pour tout connaître de cette espèce et des programmes de protection qui la concerne, je vous invite à vous rendre sur ce site : http://www.aprondurhone.fr/ 

Pour la petite anecdote, si dans la Durance j’ai eu la chance de pêcher ce poisson avec notre matériel de pêche électrique, cette méthode est cependant assez peu efficace pour l’attraper. L’idéal est de vadrouiller dans les rivières de nuit, avec une lampe torche… En effet, les yeux de l’apron reflètent la lumière comme les yeux des chats et ainsi, de nuit, il est plus aisé de les repérer et de les compter ! (et pour ma part découvrir la Loue la nuit a été un moment privilégié. On y voit les poissons d’une  manière vraiment différente, se déplacer et parfois venir taper dans nos bottes, comme les barbeaux).

Apron Durance 2

mercredi 9 mai 2012

Frayère à brochets (49)

Le parc Balzac à Angers a été aménagé afin que cet ancien marais soit alimenté par surverse de la Maine et contrôlé par une vanne électrique. Ainsi, il constitue, par sa fermeture pendant la période de crue, une frayère à brochets en période hivernale.

Voici cette frayère, la semaine dernière après une forte montée de la Maine (merci à ce magnifique mois d’avril 2012 !!)


Et là, vous vous posez la question : Mais où le brochet fait-il l’amour ?! Et oui, parlons crument…
Voici donc un petit précis de sexologie pour Esox lucius (Brochet) 

Le brochet se reproduit en dehors de la rivière sur des prairies inondées, entre janvier et avril. La femelle - accompagnée de plusieurs mâles plus petits - y dépose ses œufs, sur la végétation.

Cette prairie peut être déconnectée de la rivière lorsque la décrue a lieu mais elle ne doit pas s’assécher. Une nouvelle crue, permettra aux brochetons de regagner la rivière.

Vous vous doutez donc que cette espèce a vu ses secteurs de frai régresser au cours des deux dernières décennies. En effet, le recalibrage et le remembrement ont eu pour objectif de limiter le débordement des cours d’eau. De plus, « l’assainissement des marais » a généré une diminution des zones humides et prairies inondables.

L’objectif actuel est donc de créer des frayères ayant un fonctionnement proche de celui du milieu naturel, et le parc Balzac en est un bon exemple, fonctionnel.

La Loue : chronique d'une mort... pas annoncée par la DCE

La Loue (25-39) : le paradis des pêcheurs, une rivière magnifique, des ombres communs comme on en trouve peu ailleurs et une population de truite fario “à 3 bandes” exceptionnelle. Un cadre idyllique, une eau claire : c’est un des fleurons des rivières de Franche-Comté…

Et moi, qui ai vécu à quelques longueurs de canne à pêche de cette rivière et qui ai pu travailler dessus lors de mon passage à la fédération de pêche du Jura, je ne peux que m’émouvoir de ce mal qui la ronge depuis quelques années….

Rappelons nous :
En 2010, des mortalités de truites, d’ombres et de chabots  de janvier à mai 2010, avec un pic estimé
en avril.
En 2011 ces mortalités ont eu lieu  de février à avril, puis de novembre à décembre.

Voici une série de photos de truites de la Loue (champignon Saprolegnia sp.) Clichés collectif LRC issu de http://baladesnaturalistes.hautetfort.com

Un groupe d’expert s’est alors formé pour comprendre ce phénomène (ONEMA, CNRS, Université de Franche-Comté). Le rapport d’expertise vient de paraître (mars 2012, accessible sur le site de l’ONEMA).

Voici de manière très synthétique les résultats (le rapport complet est ici  ). Ce qu’on peut en retenir c’est que encore une fois, ce n’est pas une cause mais des causes qui, dans leur mosaïque,  génèrent un dérèglement difficilement contrôlable.
  • Mortalité de poissons et développements massifs des cyanobactéries n’ont pas de lien direct entre eux mais qu’en
    revanche, ils traduisaient un mauvais fonctionnement de la Loue.
  • Trois communautés biologiques majeures (algues, macro-invertébrés benthiques et poissons) présentent un état très dégradé :  faible diversité et/ou par des abondances limitées.
  • Disparition de certaines espèces de macro-invertébrés (des insectes pour la plupart), sensibles et exigeantes en termes de qualité du milieu, et leur remplacement par des espèces plus tolérantes.  Elle semble traduire à la fois un excès de nutriments dans l’eau (notamment de phosphore), la présence probable de polluants d’origines diverses, et une dégradation de l’habitat de la rivière.
  • Les données disponibles sur la qualité chimique des eaux ne permettent pas de caractériser, de façon satisfaisante, l’état trophique de la rivière et notamment les flux de phosphore et d’azote.
Compte tenu des données disponibles, l’hypothèse la plus probable expliquant les mortalités exceptionnelles de poissons observées en 2010 et 2011, est le mauvais état général des populations résultant de la dégradation globale de la qualité de
la rivière depuis plusieurs décennies. Dans un tel contexte, les poissons présenteraient une vulnérabilité exacerbée, les rendant plus sensibles aux changements de certains paramètres de leur environnement.

Parmi les paramètres susceptibles d’être directement impliqués, on peut évoquer la température, l’oxygène et les pathologies piscicoles comme les Saprolègnes.
Ce qui a évolué en 30 ans :
  • Conductivité, température de l’air, nitrates,
  • Évolution du bassin versant (population, eaux usées, pratiques agricoles - lisier),
  • Repeuplement piscicoles
Les recommandations opérationnelles :
  • Maîtrise des flux de nutriments
  • Rétablir la liberté de la rivière, la continuité : limiter le nombre de zones à faible débit qui favorisent le réchauffement des eaux et les proliférations d’algues et de cyanobactéries.
  • Encadrer et  contrôler  l’état sanitaire et de la qualité des souches des poissons déversés lors des repeuplements
  • Du fait du contexte karstique qui rend les rivières franc-comtoise plu vulnérables, une exigence plus élevée
    concernant les activités humaines polluantes est nécessaire
En conclusion, une grande question peut être soulevée. Comment une rivière, qui depuis 3 ans subit des mortalités importantes de poissons (dont une espèce patrimoniale telle que l’ombre commun,) peut-elle être caractérisée en “bon état écologique”selon les critères de la DCE?

Le gammare un bon indicateur de produit de traitement du bois

Il y a quelques années déjà, en DESS à Besançon (la promo avant la mienne), Olivier Adam au cours de son stage avait mis en évidence les propriétés bioindicatrices du Gammare, notamment car ses densités chutaient drastiquement dans les stations  situées en aval d’une scierie.

De ce premier constat et née une thèse en 2008 :
Impact de produits de traitement du bois sur les amphipodes Gammarus pulex et Gammarus fossarum
Voici une petite vidéo qui rend compte de cet impact (vidéo faite par le collectif SOS Loue et Rivière Comtoise et notamment par d’anciens agents de la police de l’eau -ONEMA, avec qui j’ai eu la chance de travailler).